Tournesols brûlés, maïs grillés par la chaleur, feuilles rabougries : Iulia Blagu constate, impuissante, les effets de la sécheresse sur son exploitation du sud-est de la Roumanie, pays parmi les plus touchés d'Europe.
Lieu il y a cinq ans de la capitale Bucarest, elle a pris le relais de son père, à la tête de 300 hectares dans la commune d'Urziceni. Sans se douter du défi climatique qui l'attendait.
"Cinq ans de feu", résumé-t-elle sous un grand soleil, alors que plusieurs épisodes caniculaires ont mis à mal cette année ses récoltes. "Comme un rouleau compresseur impossible à arrêter".
"La question n'est pas si mais quand nous allons mourir", explique à l'AFP l'agricultrice de 39 ans, contrainte pour la première fois d'emprunter pour payer les salaires. Dans ses champs offrant un paysage de désolation, une charrue rouillée est à l'abandon car "labourer draine les sols, ce qui est extrêmement dangereux" dans l'état actuel.
L'Europe méridionale et orientale souffre "de conditions de sécheresse persistantes et récurrentes", selon les dernières données de l'Observatoire européen de la sécheresse (EDO), une situation qui s'est aggravée en juillet, en particulier en Roumanie et dans le sud de la Hongrie.
D'après l'observatoire européen Copernic, il est désormais "de plus en plus probable" que 2024 sera l'année la plus chaude jamais enregistrée.
"À la merci de Dieu"
Début août, des dizaines d'agriculteurs hongrois ont fait défiler deux chameaux dans le centre de Budapest pour attirer l'attention sur les méfaits du changement climatique sur leur profession. La quasi-totalité du pays est actuellement placée en alerte élevée.
En Roumanie, le gouvernement a promis des compensations financières aux propriétaires des 2 millions d'hectares affectés par la sécheresse cette année, selon une estimation officielle. Et l'impact ne se limite pas au secteur agricole : dans des centaines de villages, des puits sont à sec, des mesures de restrictions d'eau sont mises en œuvre, tandis que des lacs disparaissent.
Face aux records de chaleur qui s'enchaînent, certains se sentent "à la merci de Dieu" et font appel à des prêtres orthodoxes pour bénir leurs champs et faire venir la pluie.
D'autres creusent le sol pour trouver des sources d'eau mais "rien ne sort, le climat a définitivement changé", se lamente Marian Florea, un ouvrier de construction qui a vu son environnement se transformer.
En un an, l'eau d'un lac des environs a drastiquement diminué et il pourrait bien "se tarir dès cet automne", prédit cet homme de 53 ans. Iulia Blagu, elle, tente de s'adapter à ces nouvelles conditions. Fini le maïs, qui rapportait pourtant gros jusqu'à récemment, place à des plantes plus adaptées à la chaleur forte, comme le sorgho, et peut-être à l'avenir la coriandre ou les pois chiches.
Dans le "Sahara" roumain
Plus au sud s'étend une vaste étendue sableuse de quelque 100.000 hectares, près du Danube qui forme une frontière naturelle avec la Bulgarie. Un « Sahara roumain » qui s’agrandit inexorablement sous l’impact du réchauffement climatique.
Le pays perd 1.000 hectares de terres cultivables chaque année, a calculé le ministère de l'Environnement, qui craint une "désertification totale" du sud d'ici une cinquième année.
Depuis 1959, un centre de recherche a été installé pour tenter de « faire fructifier les sables » et fournir expertise et graines aux agriculteurs, un rôle devenu crucial dans le réchauffement de la planète.
"Le changement climatique nous pousse à expérimenter de nouvelles variétés qu'on n'aurait jamais imaginé possibles il ya quelque temps", explique la responsable Aurelia Diaconu. On y trouve des kakis, des dattes, des kiwis, des pistaches, des patates douces ou encore de l'arachide.
Mais le lieu à la chance de bénéficier d'un système d'irrigation, un ou bleu dont sont privés l'écrasante majorité des agriculteurs roumains.
Ou "sans eau, on ne peut rien faire", souffle Iulia Blagu, les mains plongées dans la terre infertile.
La Rédaction (avec AFP)